René
Char (1907-1988)
Compte
autant d'ennemis irréductibles que d'amis fidèles.
Cela n'a rien d'étonnant : celui qui, après avoir
été un membre déterminants du mouvement
Surréaliste, fut l'un des poètes les plus
actifs de la Résistance
contre le nazisme, n'était pas un homme de compromis.
"Nous
avons recensé toute la douleur qu'éventuellement
le bourreau pouvait prélever sur chaque pouce de notre
corps; puis le coeur serré, nous sommes allés et
avons fait face." écrit-il dans les Feuillets d'Hypnos.
D'aucuns
lui reprocheront d'avoir contribué à l'édification
de sa propre statue (il est un des seuls poètes à
être entré vivant dans la prestigieuse collection de
la Pléiade, et il suivit, semble-t-il avec la plus grande
attention, la rédaction de tous les livres d'exégèses
qui lui furent consacrés). D'autres verront en lui un mystificateur
qui abusa des séductions de l'hermétisme pour éblouir
les universitaires friands de mystères et d'avant-garde.
Certains ont taxé l'engouement pour René Char de "parisiannisme",
voire de snobisme.
On ne peut se débarasser de son oeuvre aussi simplement.
Avec Lettera Amorosa
(une oeuvre de jeunesse pleine de santé et de fraîcheur),
avec certains aphorismes poétiques des Feuillets
d'Hypnos, René Char a apporté
quelques-unes des pages les plus exigeantes et vivantes de la poésie
contemporaine. Piers Tenniel |